Résumés
Résumé
De 1973 à 1977, l’État québécois procède à l’étatisation du travail social. Les porte-parole des travailleurs sociaux se montrent très critiques de cette politique, décrivant l’État-providence comme le moteur d’une technocratisation stérilisante et déqualifiante pour les professionnels du secteur, un discours d’ailleurs véhiculé jusque dans l’historiographie savante. Or, cette interprétation de l’expérience québécoise de l’étatisation du travail social est discutable : d’une part, les critiques formulées à l’endroit de l’État avaient déjà été adressées aux employeurs privés qui l’ont précédé et, d’autre part, les travailleurs sociaux sur le terrain savent tirer profit des nouveaux cadres publics. Le présent texte indique en quoi une interprétation univoque de la « technocratisation » des années 1960 et 1970 mine notre compréhension de ce phénomène historique récent qu’est la construction de l’État-providence et met de l’avant les avantages d’une étude fine du travail professionnel au sein de l’appareil public.
Abstract
Between 1973 and 1977, the Quebec state undertook the nationalization of social work. The spokespeople for social workers were very critical of this policy, describing the welfare state as the engine behind a sterilizing technocracy and as a blow to the prestige of professionals working in the field. Such a discourse also found its way into the academic historiography. Meanwhile, this interpretation of Quebec’s experience with the nationalization of social work is moot : on the one hand, critiques aimed at the state had already been levelled against those private employers who were its predecessors ; on the other hand, social workers in the field were able to benefit from their profession’s new public administration. This article shows how a single-minded interpretation of the « technocratization » of the 1960s and 1970s can undermine a proper understanding of that recent historical phenomenon, namely the creation of the welfare state. It also highlights the advantages of a more subtle study of professional work within the framework of the state.
Corps de l’article
De 1973 à 1977, le secteur québécois du travail social passe sous la gouverne directe de l’État par le truchement du jeune ministère provincial des Affaires sociales (MAS). En quelques années, de 70 % à 80 % des travailleurs sociaux de la province deviennent des fonctionnaires, concentrés dans des Centres de services sociaux créés par le MAS pour remplacer les anciennes « agences sociales », privées, instituées après 1930. La Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec (CPTSQ), qui compte 1450 membres en 1973, s’oppose à cette étatisation massive du secteur et, à cette occasion, fustige durement l’interventionnisme de l’État : les Centres de services sociaux, argue la Corporation, constituent « une ingérence gouvernementale dans l’acte professionnel[2] » des travailleurs sociaux ; l’État passe les commandes à des « technocrates » qui « n’ont de la réalité… qu’une image informatisée et désincarnée[3] », alors que les travailleurs sociaux professionnels, pourtant les vrais experts de la chose « psychosociale », voient leurs propres talents dévalués par une bureaucratie qui les empêche de mener à bien leur mission[4].
Dans les années qui suivent, la Corporation, comme plusieurs travailleurs sociaux à titre individuel, déplorent en termes univoques la « bureaucratisation » et la « technocratisation » du travail social et en rendent l’État responsable, une défiance qui trouve encore aujourd’hui écho dans les rangs professionnels et jusque dans certains pans de l’historiographie. Cette charge est analogue à celles d’autres regroupements de professionnels, comme les médecins, dont les activités font aussi l’objet d’une étatisation massive à la même époque[5]. Le reproche est généralement le même : l’État-providence impose une bureaucratie directive et contraignante qui étouffe la vitalité des acteurs de la base, y compris celle de travailleurs experts dont il mine l’autonomie. Sur la place publique comme dans le monde savant, ces griefs ont été régulièrement évoqués pour critiquer le modèle bureaucratique prétendument hérité de la Révolution tranquille[6].
Le présent texte a deux objectifs. Il s’agit, d’une part, de réviser la lecture de l’étatisation du travail social. D’autre part, j’entends tirer prétexte de cette révision pour montrer l’apport d’une histoire fine du travail professionnel à l’étude de ce phénomène historique récent qu’est l’État-providence. Après quelques considérations historiographiques et théoriques, je décrirai l’étatisation du travail social après 1970 et les aspirations professionnelles des travailleurs sociaux à ce moment. Dans une seconde partie, je décrirai la diabolisation de cette étatisation par les porte-parole des travailleurs sociaux et certains historiens qui y ont vu une rupture radicale et stérilisante ; je prendrai le contrepoint de cette interprétation en montrant que cette « bureaucratisation » n’a pas été le propre de l’État et n’a pas clairement desservi les aspirations professionnelles du groupe. Enfin, je soulignerai l’intérêt d’une compréhension plus fine de la « technocratisation » des années 1960 et 1970 pour l’étude de faits historiques propres au xxe siècle comme l’État-providence et la primauté croissante de l’expertise dans les grandes organisations.
L’État et la déqualification des professionnels
Parmi les traits saillants de l’État-providence mis en place au Québec après 1960, on trouve, d’une part, la mise sur pied d’une administration publique fondée sur l’expertise et, d’autre part, la prise en charge par l’État (« l’étatisation ») de secteurs professionnels préexistants comme l’éducation, la santé et le travail social. Or, dans ces secteurs, des groupes professionnels, comme les médecins et les travailleurs sociaux, interprètent le passage au monde public comme une défaite sur le plan de l’autonomie professionnelle. Ce recul témoignerait d’un paradoxe dans la relation qu’entretient l’appareil public avec ses « experts » : alors que des experts proches du pouvoir pèsent plus lourd que jamais sur l’élaboration des politiques publiques[7], les professionnels de terrain, travailleurs sociaux, médecins et autres, verraient leur autonomie de pratique, garante de leur statut et soutenue elle aussi par des compétences expertes, réduite à une peau de chagrin. D’une telle impression de recul ces professionnels tirent une certaine vision du monde : travaillant désormais dans des cadres établis par l’État, ils s’y sentent pourtant étrangers, voire menacés par le risque de déqualification inhérent à toute bureaucratie.
Cette représentation d’un État-providence fondamentalement antagonique à l’autonomie de ses agents a fait son chemin dans la littérature savante. Défendue dans les années 1950 par des sociologues aussi différents que Robert Merton et Charles Wright Mills[8], elle a été diffusée au Québec par un mouvement « anti-technocratique » très critique de l’appareil public issu de la Révolution tranquille[9]. Bien que mise en doute par la sociologie des professions[10], cette représentation des rapports entre État et expertise professionnelle n’en demeure pas moins répandue. Elle influe notamment sur deux questions historiennes de forte conséquence pour lesquelles le cas du service social québécois offre un certain intérêt.
D’une part, qu’est-ce que l’État-providence et comment l’envisager sous un angle historique ? La réponse à cette question reste souvent implicite mais dépend en partie de l’échelle de l’analyse : certains historiens, parce qu’intéressés à une analyse globale du mode de régulation mis en place entre 1940 et 1980, ont présenté l’État-providence comme un acteur, c’est-à-dire un personnage relativement unitaire attaché à la mise en place de politiques précises[11]. Ce choix est sensé, car il rend compte de la direction politique et de la relative cohérence des projets providentialistes[12]. D’autres points de vue sont cependant requis pour aborder de nouveaux objets, non moins importants pour saisir l’environnement créé par l’État-providence. C’est pourquoi, d’autre part, il semble utile d’envisager l’appareil public sous l’angle de la situation des professionnels ou « experts » intégrés à la sphère publique dans les années 1960 et 1970 : comment aborder l’histoire des agents, parfois récalcitrants, des réseaux publics ?
De fait, pour ceux, nombreux, qui y travaillent, l’État-providence, ou plus largement le secteur public, se présente non comme un acteur mais comme un lieu, un théâtre d’opérations fragmenté dans lequel divers agents cherchent à se tailler une place ou à canaliser des ressources. Dans la seconde moitié du xxe siècle, cette forme de territorialité n’en devient que plus concrète à mesure que l’État étend son champ d’action pour y incorporer des groupes variés, qui souvent suivaient jusque-là leurs propres trajectoires. On trouve parmi ces acteurs des groupes dits « professionnels », ou qui se veulent tels, en ce qu’ils se définissent par l’exercice, autonome, d’une expertise qu’ils estiment être les seuls à détenir[13]. Les médecins offrent l’exemple classique d’un tel groupe : jaloux d’une autonomie constitutive de leurs privilèges, ils n’en sont pas moins amenés, après 1961, à opérer dans des cadres publics malgré la persistance d’une pratique de type libéral[14]. Au milieu du XXe siècle, des groupes au statut moins assuré et qui travaillent à titre de salariés au sein d’organismes privés, comme les travailleurs sociaux, entretiennent des prétentions comparables. Dans tous ces cas, le passage, entre 1960 et 1975, à un cadre de travail résolument public est perçu comme un changement profond qui influe sur la nature même du travail exécuté. De l’avis de ces travailleurs experts, la transformation de leur statut d’emploi aurait donc modifié la nature concrète de l’expertise déployée auprès des citoyens.
C’est cette question qui mérite l’attention, sous la forme d’une étude fine des acteurs touchés par la construction de l’État-providence. Au Québec comme ailleurs, peu d’études ont porté sur les usages de l’expertise professionnelle au xxe siècle[15]. C’est pourquoi il paraît utile de suggérer des pistes de recherche en utilisant le cas du travail social – ou, plus précisément, des travailleurs sociaux. Ces derniers offrent un exemple de choix. D’une part, les travailleurs sociaux formulent dès 1950 des ambitions professionnelles soutenues par des prétentions à une expertise exclusive en matière d’intervention psychosociale. D’autre part, les travailleurs sociaux oeuvrent dans des secteurs étatisés dans les années 1970 et, plus que d’autres, se sont par la suite beaucoup exprimés au sujet de cette étatisation[16]. C’est en tirant profit de ces caractéristiques que je tenterai ici, par une contribution brève, non pas de faire le point sur la situation générale du travail social dans la seconde moitié du xxe siècle, mais plutôt d’offrir un exemple des enjeux propres à l’étude de l’appareil public et de ses agents.
L’étatisation du service social
En Amérique du Nord, le « service social » naît à la fin du xixe siècle de la professionnalisation d’activités philanthropiques ; les premiers programmes de formation canadiens apparaissent à l’Université de Toronto en 1914, puis à l’Université McGill en 1918. Au Québec, le véritable coup d’envoi pour une profession structurée vient cependant dans les années 1930 et 1940 à la suite du regroupement des oeuvres sociales en « agences » régionales plus massives, souvent diocésaines, dont la demande pour une main-d’oeuvre qualifiée justifie la création d’écoles plus conséquentes. Ces nouvelles écoles ouvrent leurs portes à l’Université de Montréal en 1942 et à l’Université Laval en 1943, et permettent la constitution d’une masse critique de praticiens : on estime à environ 450 le nombre de travailleurs sociaux québécois en 1958, et 750 en 1962.
Dans les années d’après-guerre, les travailleurs sociaux, dans les agences mais aussi dans les hôpitaux et les commissions scolaires, formulent de nouvelles aspirations professionnelles. Alors que leur travail consistait jusque-là surtout en tâches de nature administrative, comme le placement d’enfants ou l’allocation d’aide financière, ils aspirent désormais à une pratique d’ordre thérapeutique plus proche de la relation d’aide. Au Bureau d’aide aux familles de Montréal, par exemple, les travailleurs sociaux dévaluent leur travail d’assistance financière pour se consacrer au « traitement social des familles[17] ». C’est, progressivement, à l’aune de cette entreprise de redéfinition thérapeutique de leur travail qu’un nombre croissant d’entre eux en viennent à définir comme essentielle une autonomie qui leur assure une position d’expert. Ces aspirations contribuent fortement à la mise sur pied, en 1960, de leur corporation professionnelle et alimentent les tensions qui opposent les travailleurs sociaux diplômés à divers concurrents jugés moins qualifiés[18]. Vers 1970, le Québec compte plus de 1400 travailleurs sociaux « professionnels », diplômés universitaires et inscrits à leur corporation professionnelle, qui s’efforcent toujours d’insérer dans leurs tâches administratives une pratique de relation d’aide psychologique et thérapeutique auprès des bénéficiaires. Si plusieurs travaillent à l’emploi d’hôpitaux ou de commissions scolaires, le plus grand nombre oeuvre encore à titre de salarié pour les « agences sociales » diocésaines[19].
Les choses changent rapidement après 1973. Dès ce moment, des réformes publiques inspirées par la commission Castonguay-Nepveu entraînent l’étatisation du travail social. Les employés d’agences d’abord, puis les travailleurs sociaux des hôpitaux, écoles et cours de justice sont réunis au sein de nouveaux établissements centralisés à l’échelle régionale, les Centres de services sociaux (CSS) créés par le ministère des Affaires sociales. De quarante-deux agences sociales, on passe ainsi, entre 1973 et 1977, à quatorze CSS qui regroupent, au début des années 1980, jusqu’à 80 % des travailleurs sociaux québécois, y compris ceux qui travaillent dans les hôpitaux et les commissions scolaires, où ils sont désormais affectés à titre d’employés prêtés par les CSS. L’intention déclarée de l’État derrière cette concentration de la main-d’oeuvre dans les CSS est une division plus rationnelle du travail grâce à une prise plus grande de l’employeur public sur l’offre de services. Très vite, comme on l’a vu, les porte-parole des travailleurs sociaux décrient l’entreprise, présentant les nouveaux CSS comme des monstres bureaucratiques qui noient l’autonomie des professionnels en favorisant les tâches administratives au détriment de « l’intervention clinique ». En partie à cause de cette résistance, les CSS seront abolis en 1991, sans pour autant tempérer la défiance envers l’État bureaucratique[20].
Étatisation et « technocratisation »
À quoi tiennent ces griefs ? Si la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec (CPTSQ) décrit la création des CSS comme une ingérence dans l’acte professionnel et l’État-providence comme le moteur d’une technocratisation stérilisante, c’est qu’elle argue que la fonction publique, en noyant l’expertise des travailleurs sociaux sous des tâches administratives peu qualifiées, étouffe leur vocation à établir une relation d’aide avec les bénéficiaires. Ces récriminations imprègnent durablement la représentation que les travailleurs sociaux se font de leur propre rapport à l’État, qui prend dès lors les traits d’un antagonisme. Cette représentation sera introduite dans l’historiographie par des travailleurs sociaux qui, faisant oeuvre historienne, décriront à leur tour l’étatisation des années 1970 comme une rupture bureaucratique ayant entraîné la déqualification du travail social[21]. Selon ce point de vue, l’État-providence aurait été le tombeau d’une réelle expertise en travail social, un constat qui, avec le temps, en vient à inspirer la nostalgie des agences privées d’avant l’État-providence : en 1989, le directeur de l’École de service social de l’Université de Montréal regrette ainsi en public que la création des CSS « nous a enlevé nos agences [et] l’exclusivité de la pratique[22] ».
Cette lecture de l’expérience de l’étatisation des services sociaux est pourtant discutable. En fait, elle fausse à bien des égards la compréhension de l’impact concret de l’État-providence sur le secteur et sur le parcours historique des experts en travail social, et ce, sous deux angles particuliers.
En premier lieu, les limites aux ambitions des travailleurs sociaux précèdent de loin l’étatisation des années 1970. En fait, les critiques formulées à l’endroit des CSS avaient déjà été adressées, dès les années 1950, aux « agences » privées, qui connaissaient déjà elles-mêmes une phase de bureaucratisation. Dès 1953, des leaders du travail social, comme Hayda Denault et Françoise Marchand, se plaignent du manque de reconnaissance professionnelle au sein des agences et luttent pour l’autonomie des travailleurs sociaux face à leurs administrateurs. Le projet de regroupement en corporation, réalisé en 1960, doit d’ailleurs beaucoup à ce climat de confrontation à l’intérieur des agences[23]. Exactement comme on le dira des CSS, on considère alors les agences comme des organismes bureaucratisés qui donnent trop de place à des tâches comme la « distribution de pensions » et où le travail se déqualifie[24]. Après 1960, les conflits entre les travailleurs sociaux et les directions d’agences se multiplient au point où, en 1963, quand le rapport Boucher suggère l’étatisation du secteur, les représentants associatifs des travailleurs sociaux s’y montrent plutôt ouverts[25]. En 1969-1970, la Federation of Catholic Charities, une importante agence anglo-montréalaise, est secouée par un dur conflit entre les travailleurs sociaux de l’endroit et la direction de l’agence sur la question du contrôle du travail et de l’embauche, et la corporation va jusqu’à en appeler à l’intervention de l’État pour réguler le secteur[26]. Comme on le voit, les critiques à l’endroit des CSS après 1973 se révèlent en droite continuité avec celles déjà émises à l’encontre des agences diocésaines et semblent moins attribuables aux caractéristiques de l’employeur qu’à un surcroît d’aspirations de la part des travailleurs sociaux eux-mêmes. De plus, les sources premières de la bureaucratisation du travail expert ne sont pas publiques et se manifestent dès l’après-guerre sous la houlette d’employeurs privés.
En second lieu, il ne va pas de soi qu’une organisation bureaucratisée du travail au sein de l’appareil public soit forcément antagonique à l’exercice d’une expertise autonome par les professionnels. Dans le cas du travail social, les sources plus proches du travail concret révèlent que les praticiens de terrain entretiennent avec les CSS des rapports nuancés et savent tirer profit des nouveaux centres, certains allant même jusqu’à regretter leur disparition après 1991. La chose, en fait, n’est pas si étonnante. Tous subordonnés à l’État qu’ils soient, les CSS n’en demeurent pas moins les premiers organismes peuplés uniquement de praticiens du travail social et sont souvent dirigés par des travailleurs sociaux professionnels. Qui plus est, l’État exerce un contrôle moins serré que les agences sur le contenu proprement dit du travail professionnel, laissant une plus grande latitude aux professionnels. En vérité, et malgré les contrariétés réelles, les CSS se présentent à bien des égards, dans les années 1970 et 1980, non comme des tombeaux mais bien comme des châteaux forts pour les aspirations des travailleurs sociaux.
En quoi, concrètement ? Plusieurs praticiens, on l’a dit, entendent déborder leurs tâches administratives pour identifier, chez leurs clients, des problèmes psychosociaux à prendre en charge. Ces initiatives sont, de l’avis de plusieurs travailleurs sociaux, le seul rempart face à une éventuelle déqualification et à la menace d’une substitution par du personnel moins qualifié ; comme l’indique un travailleur social en 1979 : « si nous ne le faisons pas, nous devenons vite des techniciens[27] ». Or, c’est dans les CSS que plusieurs trouvent l’autonomie requise pour ainsi réorienter leur pratique, en prenant le temps d’identifier les problèmes psychosociaux de gens rencontrés d’abord pour des raisons administratives. Dans un congrès professionnel, un travailleur social du CSS de Québec, ayant participé au placement d’enfants, raconte avoir modifié sa pratique en prenant le temps d’identifier et d’encadrer les problèmes conjugaux ou éducatifs qu’il jugeait sous-jacents aux demandes de placement. Ce genre d’infléchissement, unilatéral, de la pratique par les experts sur le terrain est aussi avéré chez d’autres travailleurs sociaux de CSS oeuvrant dans les domaines de l’aide financière ou du placement de personnes âgées[28]. En plus de donner asile à ces initiatives, les CSS deviennent également d’importants canaux de diffusion des connaissances qui permettent aux travailleurs sociaux de pratiquer une telle relation d’aide. Quand, dans les années 1970, la thérapie de groupe s’impose comme une modalité thérapeutique importante en travail social, ce sont les CSS qui investissent des ressources considérables afin d’en faire circuler les rudiments.
Le gain d’autonomie est particulièrement visible chez les travailleurs sociaux qui oeuvrent dans les hôpitaux et les commissions scolaires, dans la mesure où la création des CSS entraîne un nouveau partage des responsabilités avec leurs établissements d’attaches. Les travailleurs sociaux hospitaliers, par exemple, se disent généralement satisfaits du passage en CSS : devenus salariés des CSS sans quitter l’hôpital, ils se rapportent désormais à des supérieurs hiérarchiques qui ne sont plus des médecins mais plutôt des pairs, mieux disposés envers leurs initiatives « cliniques ». Dans le domaine de la santé, les problèmes les plus aigus de reconnaissance professionnelle surviennent en fait dans les secteurs, comme les CLSC, où le travail social ne relève pas des CSS[29].
Pour toutes ces raisons, dans les années 1980, on entend souvent les travailleurs sociaux hospitaliers se réclamer de leur appartenance au CSS plutôt qu’à l’hôpital. En 1986, l’Association des praticiens du service social en milieu de santé assure que le CSS demeure, malgré des problèmes de coordination administrative, « l’organisation qui sauvegarde le mieux notre autonomie professionnelle et une meilleure prestation des services[30] ». Des praticiens de tous les milieux plaident également en faveur des CSS qu’ils décrivent comme étant « au social ce que les hôpitaux sont à la santé[31] ». Au coeur de la réforme de 1991, plusieurs praticiens résistent d’ailleurs à l’abolition des CSS et, en 1998, un professeur de l’École de service social de l’Université de Montréal va jusqu’à déclarer que « la réforme de 1991 [a] détruit l’environnement disciplinaire des travailleurs sociaux[32] ».
Ces manifestations d’attachement aux CSS n’ont cependant guère été relevées par les porte-parole de la Corporation ou par les travailleurs sociaux ayant fait oeuvre d’historiens jusque dans les revues savantes. Jumelées à la trajectoire professionnelle ascendante du travail social dans le réseau public, elles sont pourtant de nature à modifier les interprétations convenues de l’étatisation de la profession. À travers cet exemple, elles contribuent à soulever des pistes et des hypothèses pertinentes sur les usages et le statut de l’expertise dans les appareils publics.
Conclusion : la signification historique de l’État-providence
Comme on le voit, la charge « anti-technocratique » qui a mené à diaboliser l’étatisation des services sociaux après 1973 peut être nuancée. L’enjeu de mémoire, non négligeable, n’est toutefois pas ce qui retient notre attention ici. L’objectif visé est plutôt de relever en quoi de telles interprétations univoques minent notre compréhension de ce phénomène récent qu’est la construction de l’État-providence, et ce, de deux manières.
D’une part, en présentant l’étatisation comme une rupture brutale avec la trame professionnelle « naturelle » qui l’aurait précédée, cette charge brouille la question, encore délicate, de la détermination des parts de rupture et de continuité au sein de la Révolution tranquille. Dans les faits, la « bureaucratisation » du service social est antérieure à sa prise en charge par l’État et avait été lancée par les employeurs privés de l’après-guerre. Comme d’autres, ce constat semble confirmer la formule, suggérée par Routhier, Shore et Warren, selon laquelle l’étatisation du secteur social se présente en fait comme l’« externalisation » ou le débordement dans la sphère publique de l’action des agences privées de l’après-guerre[33]. À cette occasion, les irritants propres à la bureaucratisation sont déjà là et inhérents à la chose, et ne constituent pas un cheveu étatique tombé sur la soupe après 1960 ou 1970[34].
Plus important, un regard trop univoque sur cette « bureaucratisation » voile le sens historique concret de l’État-providence pour ceux qui, comme les travailleurs sociaux, en viennent à exercer dans ses cadres. Contrairement à ce qu’avancent les thèses anti-technocratiques, les travailleurs sociaux des années 1970 et 1980 trouvent dans les structures publiques un environnement de travail souple qui ne coïncide en rien avec un recul ou une déqualification, du moins par rapport à leur réalité antérieure. L’État-providence se révèle au contraire un puissant véhicule de promotion pour les professionnels, y compris pour ceux qui aspirent au contrôle autonome de leur propre travail. Cela peut être attribué à la capacité des professionnels à entretenir leur propre autonomie et aux ressources mises à leur disposition, mais aussi au fait que la gouverne publique s’intéresse peu à définir le contenu des tâches professionnelles concrètes. Cette latitude conquise par les experts aspirés par le secteur public est une caractéristique forte de l’État-providence – et très conséquente, en ce qu’elle favorisera la multiplication non programmée des pratiques professionnelles[35].
La souplesse de l’appareil public, vu comme espace d’organisation du travail expert, est pourtant souvent dissimulée par la mémoire de groupes qui tendent plutôt à se présenter comme les sujets rétifs d’un État bureaucratique essentiellement contraignant – une mémoire pourtant véhiculée jusque sous les presses scientifiques. À cet égard, l’exemple des travailleurs sociaux n’est qu’un cas parmi d’autres, similaire, notamment, à celui des médecins et de la représentation antagonique que ceux-ci se sont donnés de leur rapport au système public. C’est pourquoi il semble utile de plaider pour une étude fine des acteurs touchés par la construction de l’État-providence, une étude qui, en plus d’insérer utilement l’histoire dans les débats actuels sur la nature de l’État, devrait trouver sa place dans une histoire de l’exercice du pouvoir et de l’expertise dans les organisations publiques québécoises.
Parties annexes
Note sur l'auteur
Julien Prud’homme est présentement stagiaire post-doctoral au Gorsebrooke Research Institute à la Saint Mary’s University (Halifax), où il poursuit ses recherches sur l’histoire des professions de santé. Membre associé au Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST), il a publié aux Presses de l’Université du Québec l’ouvrage Histoire des orthophonistes et des audiologistes au Québec, 1940-2005. Aspirations professionnelles, pratiques cliniques et politiques de la santé. Dans d’autres écrits, il a aussi analysé l’évolution de l’enseignement de l’histoire nationale au Québec depuis 1963.
Notes
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[1]
J’aimerais remercier Robert Gagnon, Yves Gingras, Peter Twohig ainsi que les lecteurs anonymes de la revue pour leurs précieux commentaires. La recherche à l’origine de ce texte a bénéficié du financement du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et de la Chaire de recherche du Canada en histoire et sociologie des sciences.
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[2]
Archives de l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec (OPTSQ), Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec (CPTSQ), Mémoire à la commission parlementaire des Affaires sociales, CPTSQ (septembre 1976) : 12.
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[3]
Archives de l’OPTSQ, CPTSQ, La compression des services sociaux, CPTSQ (septembre 1981) : 1-2.
-
[4]
Archives de l’OPTSQ, CPTSQ, Cadre relatif au partage des responsabilités CSS – CLSC en matière de services sociaux, CPTSQ (mai 1984) : 4-5.
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[5]
Sur les positions des médecins québécois et canadiens à l’égard de l’étatisation de la santé : Gilles Dussault, « Les médecins au Québec (1940-1970) », Recherches sociographiques, 16,1 (1975) : 69-84 ; H. Michael Stevenson et Paul Williams, « Physicians and Medicare : Professional Ideology and Canadian Health Policy », Canadian Public Policy, 11,3 (1985) : 504-521 ; Linda Kealey et Heather Molyneaux, « On the Road to Medicare : Newfoundland in the 1960s », Journal of Canadian Studies, 41,3 (2007) : 90-111 ; Michael O’Neill et Michel Boulet, « Who Decides ? Organized Medicine, the State and the Making of Healh Policy : The Case of Quebec’s Health-System Reforms », British Journal of Canadian Studies, 11,1 (1996) : 11-24 ; Margaret W. Andrews, « The Course of Medical Opinion on State Health Insurance in British Columbia, 1919-1939 », Histoire sociale – Social History, 16,31 (1983) : 129-141 ; Alan Davidson, « Dynamics Without Change : Continuity of Canadian Health Policy », Canadian Public Administration, 47,3 (2004) : 251-279 ; Robin F. Badgley et Samuel Wolfe, Doctors’ Strike : Medical Care and Conflict in Saskatchewan (Toronto, Mamillan, 1967).
-
[6]
Sur la place occupée sur les scènes scientifique et politique par les critiques de l’étatisme québécois de la Révolution tranquille, voir : Éric Montpetit et Christian Rouillard, « La Révolution tranquille et le réformisme institutionnel. Pour un dépassement des discours réactionnaires sur l’étatisme québécois », Globe. Revue internationale d’études québécoises, 4,1 (2001) : 119-139.
-
[7]
Voir le récent dossier dirigé par Martin Pâquet, « Pensée scientifique et prise de décision politique », Bulletin d’histoire politique, 17,1 (2008) : 175-261. Aussi : Raymond Duchesne, La science et le pouvoir au Québec, 1920-1965 (Québec, Éditeur officiel du Québec, 1978), 128 p.
-
[8]
Charles Wright Mills, Les cols blancs (Paris, Maspero, 1966), 135-168 ; Keith MacDonald, The Sociology of Professions (Londres, SAGE Publications, 1995), 61-63 ; Nathan Hatch, « The Professions in a Democratic Culture », dans Nathan Hatch, dir., The Professions in American History (Notre-Dame, University of Notre-Dame Press, 1988), 1-14.
-
[9]
Jean-Jacques Simard, La longue marche des technocrates (Montréal, Saint-Martin, 1979), 198 p. ; Marc Renaud, « Les réformes québécoises de la santé ou les aventures d’un État “narcissique” », dans Peter Keating et Othmar Keel, dir., Santé et société au Québec (Montréal, Boréal, 1995), 189-217 ; Jean Gould, « Des bons pères aux experts : modernisation des institutions scolaires au Canada français, 1940-1964 », Sociétés, 20-21 (1999) : 111-188.
-
[10]
Kevin Leicht et Mary L. Fennell, « The Changing Organizational Context of Professional Work », Annual Review of Sociology, 23 (1997) : 215-231 ; Andrew Abbott, « The Future of Professions », Research in Sociology of Organizations, 8 (1991) : 17-42 ; Stephen Green, « Professional/Bureaucratic Conflict : The Case of the Medical Profession in the National Health Service », Sociological Review, 23,1 (1975) : 121-141. Ce scepticisme quant à l’ampleur du contrôle réel de l’État sur les opérations quotidiennes en matière de santé et de services sociaux est partagé par divers observateurs de l’administration publique : Deena White, « The Rationalization of Health and Social-Service Delivery in Quebec », dans B. Singh Bolaria et Harley Dickinson, dir., Health, Illness and Health Care in Canada (Toronto, Harcourt Brace, 1994), 83-105 ; Pierre Bergeron, « La Commission Rochon reproduit les solutions de Castonguay-Nepveu », Recherches sociographiques, 31,3 (1990) : 367-369.
-
[11]
Yves Vaillancourt, L’évolution des politiques sociales au Québec, 1940-1960 (Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1988), 513 p. ; Dennis Guest, Histoire de la sécurité sociale au Canada (Montréal, Boréal, 1993), 473 p. Voir aussi : Peter Baldwin, « The Welfare State for Historians », Comparative Studies in Society and History, 34,4 (1992) : 695-707. D’autres historiens de l’État ont mis en relief l’hétérogénéité de l’appareil étatique, sans aborder la situation précise des professionnels experts : Dominique Marshall, Aux origines de l’État-providence. Familles québécoises, obligation scolaire et allocations familiales, 1940-1955 (Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1998), 83-130 ; James I. Gow, Histoire de l’administration publique québécoise, 1867-1970 (Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1986), 443 p. ; Shirley Tillotson, Contributing Citizens. Modern Charitable Fundraising and the Making of the Welfare State (Vancouver, University of British Columbia Press, 2008), 339 p.
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[12]
Voir à cet égard les discussions parallèles tenues par Bruce Curtis, « Comment étudier l’État ? », et Jean-Marie Fecteau, « Écrire l’histoire de l’État ? », Bulletin d’histoire politique, 15,3 (2007) : 103-107 et 109-115.
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[13]
C’est à ce titre que le fait professionnel peut être considéré comme un moyen d’aborder la question de l’expertise dans les sociétés contemporaines. Voir : Andrew D. Abbott, The System of Professions. An Essay on the Division of Expert Labor (Chicago, University of Chicago Press, 1988), 435 p. Pour un regard plus développé sur la sociologie historique des professions, voir : Julien Prud’homme, Pratiques cliniques, aspirations professionnelles et politiques de la santé. Histoire des professions paramédicales au Québec, 1940-2005, thèse de doctorat (histoire), Université du Québec à Montréal, 2007, 1-33.
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[14]
Sur l’histoire des médecins à titre de professionnels, voir : François Guérard, Histoire de la santé au Québec (Montréal, Boréal, 1996), 124 p. ; Rita Desjardins, L’institutionnalisation de la pédiatrie en milieu franco-montréalais, 1880-1980. Les enjeux politiques, sociaux et biologiques, thèse de doctorat (histoire), Université de Montréal, 1998, 593 p. ; Françoise Boudreau, De l’asile à la santé mentale. Les soins psychiatriques : histoire et institutions (Montréal, Saint-Martin, 1984), 274 p. ; Denis Goulet, Histoire du Collège des médecins du Québec, 1847-1997 (Montréal, Collège des médecins du Québec, 1997), 263 p. ; Gilles Dussault, « Les médecins au Québec… », loc. cit.
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[15]
J’ai moi-même émis quelques propositions sur les usages de l’expertise professionnelle en santé et en l’éducation : Julien Prud’homme, « Réformer l’enseignement et réformer les maîtres. La transformation des programmes scolaires et ses acteurs : le cas de l’histoire nationale au Québec, 1963-2006 », Bulletin d’histoire politique, 15,2 (2007) : 185-215 ; « Diagnostics, stratégies professionnelles et politiques de la santé. Les orthophonistes québécoises depuis 1970 », Recherches sociographiques, 47,2 (2006) : 253-275. Voir également : Sébastien Piché, Histoire de la spécialisation médicale au Québec. Le cas de la naissance de l’hématologie à l’hôpital Notre-Dame de Montréal, 1920-1960, mémoire de maîtrise (histoire), Université du Québec à Montréal, 1999, 113 p. ; Ad Prins, Aging and Expertise. Alzheimer’s Disease and the Medical Professions, 1930-1980, thèse de doctorat (histoire), Université d’Amsterdam, 1998, 315 p. ; Keith Wailoo, Drawing Blood. Technology and Disease Identity in Twentieth-Century America (Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1997).
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[16]
Notons aussi que l’interprétation courante des effets de l’étatisation par les travailleurs sociaux n’a été que fort peu exposée à la production des historiens qui se sont surtout intéressés à l’histoire du travail social avant 1970. Voir : Denyse Baillargeon, Amélie Bourbeau et Gilles Rondeau, « Motivation et formation des travailleurs sociaux francophones : quelques parcours pionniers (1942-1961) », Intervention, 125 (2006) : 169-179 ; Lucia Ferretti, « Caritas-Trois-Rivières (1954-1966), ou les difficultés de la charité catholique à l’époque de l’État-providence », Revue d’histoire de l’Amérique française, 58,2 (automne 2004) : 187-216 ; « Les agences sociales à Montréal, 1932-1971 », Études d’histoire religieuse, 66 (2000) : 69-88 ; Lionel-H. Groulx et Charlotte Poirier, « Les pionnières en service social : nouveau métier féminin dans le champ de la philanthropie », Service social, 31,1 (1982) : 168-177. Voir aussi l’exception notable de Jacques Palard, « Le “travail social” au Québec : de la logique religieuse à la rationalité étatique », Service social, 31,1 (1982) : 137-167.
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[17]
Archives de l’OPTSQ, dossier « ACTS – Québec », Jeanne Cloutier, « La préparation des praticiens : formation dans les Oeuvres », conférence au Carrefour régional de Québec sur la formation en service social, 11 décembre 1954, 1-2.
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[18]
Julien Prud’homme, Pratiques cliniques…, op. cit., 108-122.
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[19]
Que les autorités ont pourvu de responsabilités publiques comme la distribution des allocations familiales, le placement d’enfants ou l’assistance à domicile. Lucia Ferretti, « Les agences… », loc. cit., 77 ; Jacques Rousseau, « L’implantation de la profession de travailleur social », Recherches sociographiques, 19,2 (1978) : 183-187.
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[20]
On peut constater la persistance des récriminations contre la « bureaucratisation » induite par la gouverne de l’État dans les documents suivants : Archives de l’OPTSQ, Gilles Rondeau [alors président de l’OPTSQ], « Les relations entre les professions dans l’occupation du champ bio-psycho-social », allocution au colloque « Les services hospitaliers et les autres » (Montréal, avril 1995), 5 ; OPTSQ, Les travailleurs sociaux à l’aube du troisième millénaire. Les états généraux de la profession. Document de réflexion préparatoire à la tenue des forums régionaux, juin 1998, 13 p.
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[21]
Une thèse défendue notamment chez Frédéric Lesemann, Du pain et des services. La réforme de la santé et des services sociaux au Québec (Laval, Saint-Martin, 1981), 177-190 ; Lionel-Henri Groulx, « De la vocation féminine à l’expertise féministe. Essai sur l’évolution du service social au Québec, 1939-1990 », Revue d’histoire de l’Amérique française, 49,3 (hiver 1996) : 357-394. En plus de donner à la Corporation des munitions opportunes pour réclamer de nouveaux pouvoirs de la part du législateur, ce regard s’alimente d’une critique d’inspiration marxiste qui souligne les liens entre l’État-providence et l’évolution du capitalisme avancé, un discours auquel les travailleurs sociaux de terrain se révèlent souvent perméables.
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[22]
Bulletin de la CPTSQ, 35 (1989) : 3.
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[23]
Archives de l’OPTSQ, Hayda Denault, Le Chapitre de Québec de l’Association canadienne (Québec, Association canadienne de service social – Chapitre de Québec, octobre 1953), 1-2 ; procès-verbaux de l’Association canadienne de service social – Chapitre de Québec, 28 avril 1959 et 25 janvier 1964. Sur la création de la Corporation et ses rapports étroits avec la Canadian Association of Social Work, voir Julien Prud’homme, Pratiques cliniques…, op. cit., 126-127.
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[24]
La chose viendrait du fait que les agences croissent et massifient leurs interventions mais aussi du fait qu’elles « acceptent de plus en plus de tâches administratives » déléguées par l’État provincial après 1950, Jacques Rousseau, « L’implantation de la profession de… », loc .cit., 183-187. Voir aussi : Jacques Saint-Onge, Les développements des pratiques en travail social au Saguenay-Lac-Saint-Jean, 1960-1980 (Chicoutimi, Groupe de recherche et d’intervention régionale, 1999), 30.
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[25]
Lucia Ferretti, « Caritas-Trois-Rivières (1954-1966)… », loc. cit., 80-83 ; Jacques Palard, « Le “travail social” au Québec… », loc. cit., 151. Les travaux de Lucia Ferretti et Jacques Rousseau, op. cit., ont aussi montré les limites du cadre des agences pour les ambitions des travailleurs sociaux professionnels. Sur le rapport Boucher et l’esprit de ses recommandations, voir Benoît Gaumer, Le système de santé et des services sociaux du Québec. Une histoire récente et tourmentée, 1921-2006 (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2008), 100-101 ; B. L. Vigod, « History According to the Boucher Report. Some Reflections on the State and Social Welfare in Quebec Before the Quiet Revolution », dans Allan Moscovitch et Jim Albert, The Benevolent State. The Growth of Welfare in Canada (Toronto, Garamond, 1987), 175-185.
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[26]
Archives de l’OPTSQ, procès-verbal de la Corporation des travailleurs sociaux professionnels de la province de Québec, 22 octobre 1970 ; lettre de R. Sarrasin à C. Castonguay, 18 septembre 1970.
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[27]
Archives de l’OPTSQ, dossier « Congrès 1979 », Jacques Rhéaume, « Exposé à un atelier personnes âgées ».
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[28]
Chez qui l’on décèle des problèmes d’anxiété ou de dépression. Archives de l’OPTSQ, dossier « Congrès 1985 », Berthe Michaud, « Des points marquants de l’évolution du travail social au cours des vingt-cinq dernières années » ; dossier « Congrès 1979 », Jacques Rhéaume, op. cit. Voir : Julien Prud’homme, Pratiques cliniques…, op. cit., 241-248.
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[29]
Archives de l’Université de Montréal, boîte 3864, Denise Granger, Le marché de l’emploi des diplômées de baccalauréat en service social de l’Université de Montréal et une évaluation du programme actuel de baccalauréat à l’Université de Montréal (Montréal, École de service social de l’Université de Montréal, 1987), 139-142.
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[30]
Association des praticiens de service social en milieu de santé du Québec (APSSMSQ), Mémoire présenté à la commission d’enquête sur les services de santé et les services sociaux, APSSMSQ, 1986, 17-18.
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[31]
Archives de l’OPTSQ, dossier « Congrès 1981 », Jean-Bernard Robichaud, Allocution, 10-12. Bulletin de la CPTSQ, 48 (1993) : 16 ; 40 (1991) : 1.
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[32]
Archives de l’OPTSQ, Claude Larivière, « Ateliers », OPTSQ, Colloque 1998, 2. Pendant un temps, même la corporation se prend à redouter « une bureaucratisation du travail » consécutive à la fin des CSS ; Archives de l’OPTSQ, Gilles Rondeau, « Les relations entre les professions dans l’occupation du champ bio-psycho-social », Les services hospitaliers et les autres (Montréal, OPTSQ, 1995), 5-6.
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[33]
Gilles Routhier, Marlene Shore et Jean-Philippe Warren, « Religions et sciences sociales. Un chassé-croisé interprétatif entre histoire, théologie et sociologie », Revue d’histoire de l’Amérique française, 57,3 (hiver 2004) : 368-369.
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[34]
Ce constat est comparable à celui de Guérard et Rousseau qui rappelaient que la mise en place d’assurances universelles publiques dans le secteur de la santé au Québec après 1960 ne venait pas rompre un état de nature stable, mais couronnait plutôt un processus de massification et de bureaucratisation déjà entamé par des agents privés qui y trouvaient leur lot de difficultés. François Guérard et Yvan Rousseau, « Le marché de la maladie. Soins hospitaliers et assurances au Québec, 1939-1961 », Revue d’histoire de l’Amérique française, 59,3 (hiver 2006) : 293-329.
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[35]
Julien Prud’homme, Pratiques cliniques…, op. cit.