FR :
RÉSUMÉ
Voulant contribuer à l'histoire de la « folie » au Québec, cet article met à profit les riches possibilités offertes par des archives judiciaires, les dossiers d'interdiction et de curatelle, pour souligner le rôle de l'instance familiale et communautaire dans la prise en charge et l'exclusion de la maladie mentale au tournant du siècle. À l'aide des mesures réglant l'incapacité de majeurs considérés mentalement déviants, on peut identifier quelques données importantes de l'expérience de l'aliénation mentale de plusieurs dizaines d'individus des Cantons de l'Est. Des particularités sociologiques ou juridiques pouvaient influencer le passage d'une personne devant la justice civile, et l'examen des infractions aux normes dénoncées dans les dossiers permet de cerner les préoccupations des membres de la famille et de l'entourage. Ceux-ci, placés en première ligne, devaient recourir à des stratégies particulières, y compris l'appel à la justice, pour gérer la conduite d'un individu aux comportements hors normes. Enfin, même si on faisait largement appel à l'avis des médecins et des aliénistes lors des procès, l'expertise des médecins de la région, en ce qui a trait à la maladie mentale, paraît douteuse. L'analyse conduit à remettre en question l'utilité générale de la perspective voulant que la réponse à la folie ait été essentiellement, au XIXe et au début du XXe siècles, une entreprise institutionnelle de contrôle social menée par les élites bourgeoises, médicales et étatiques.
EN :
This article makes use of judicial archives (interdiction and curatorship cases) to examine the role of family and community in the care and exclusion of mental illness at the turn of the century. The measures regulating the legal incapacity of mentally disabled adults reveal important aspects of the experience of mental alienation by Eastern-Town- ships inhabitants. Sociological or judicial particularities could influence the citation of a person before the court; the misdemeanours reported in the files, in particular, help establish the concerns of those relatives, friends and neighbours, whom propinquity forced to resort to specific strategies for managing deviant behavior. Finally, though doctors and alienists were often called upon in such in cases, local physicians' expertise seems particularly dubious. Overall, this article questions views that cast the late-nineteenth and early-twentieth-century responses to insanity as institutional exercises in social control driven by state and medical bourgeois elites.