Contrepoints

Homo Kreuzlingenius 1923 — Aby Warburg à la clinique Bellevue. Une conférence-projection interrompue. Fiction documentaire pour un centenaire

  • Philippe Despoix

…plus d’informations

  • Philippe Despoix
    Université de Montréal

L’accès à cet article est réservé aux abonnés. Seuls les 600 premiers mots du texte seront affichés.

Options d’accès :

  • via un accès institutionnel. Si vous êtes membre de l’une des 1200 bibliothèques abonnées ou partenaires d’Érudit (bibliothèques universitaires et collégiales, bibliothèques publiques, centres de recherche, etc.), vous pouvez vous connecter au portail de ressources numériques de votre bibliothèque. Si votre institution n’est pas abonnée, vous pouvez lui faire part de votre intérêt pour Érudit et cette revue en cliquant sur le bouton “Options d’accès”.

  • via un accès individuel. Certaines revues proposent un abonnement individuel numérique. Connectez-vous si vous possédez déjà un abonnement, ou cliquez sur le bouton “Options d’accès” pour obtenir plus d’informations sur l’abonnement individuel.

Dans le cadre de l’engagement d’Érudit en faveur du libre accès, seuls les derniers numéros de cette revue sont sous restriction. L’ensemble des numéros antérieurs est consultable librement sur la plateforme.

Options d’accès
Couverture de tromper, Numéro 42, automne 2023, Intermédialités / Intermediality

Cette esquisse scénique est le contrepoint à une étude que j’ai publiée il y a une dizaine d’années sur la conférence dite du « Rituel du serpent » tenue par l’historien de l’art et de la culture Aby Warburg il y a maintenant un siècle, alors qu’il était patient de la clinique du psychiatre Ludwig Binswanger à Kreuzlingen. Ce n’est qu’après plusieurs visites aux archives du Warburg Institute qu’il m’avait été donné de voir les diapositives effectivement utilisées par Warburg lors de cette conférence-projection sur les territoires Pueblo du Sud-Ouest américain. Les photographies dataient du milieu des années 1890 et, selon les témoignages, le patient en avait largement improvisé le commentaire. En reconstruisant cette conférence comme une performance d’abord visuelle, j’en proposais un mode de lecture inverse à ceux pratiqués jusque-là à partir des éditions apocryphes existantes. Ce renversement de perspective mettait en évidence que la méthode d’exposition visuelle comparée et commentée oralement que développerait Warburg lors de son retour à la Bibliothèque des sciences de la culture portant son nom avait été pratiquée in nuce lors de cette projection. Il permettait aussi de proposer une hypothèse sur la façon dont cette performance avait pu, contre le pronostic de ses médecins, contribuer à son « autoguérison » par le biais d’un travail à même les reproductions photographiques. Mon étude, d’abord publiée en allemand dans la Zeitschrift für Medienwissenschaft (no. 11, 2 / 2014), parut dans une version française sous le titre « Conférence-projection et performance orale : Warburg et le mythe de Kreuzlingen » dans Intermédialités (nos 24–25, 2015). Je pensais néanmoins que, pour être perçue de manière sensible, la dimension radicalement performative de la conférence de Kreuzlingen appelait non seulement une recherche poussée à partir des diapositives, mais aussi un reenactment de la projection elle-même. Au moment où je travaillais à mon étude, les débats autour de la reproduction et la circulation des photos rituelles et matériaux autochtones avaient pris une nouvelle ampleur, souvent conflictuelle, et commencé à infléchir — même si de façon très différenciée selon les continents — les pratiques muséales d’exposition. En 2013, le conseil communautaire Hopi protestait par exemple contre une vente aux enchères à la galerie Drouot à Paris de masques rituels appartenant à leur culture. De l’autre côté de l’Atlantique, une exposition des photographies et objets du voyage américain de Warburg devant avoir lieu à Boulder, au University of Colorado Art Museum au printemps 2014, fut annulée suite à la protestation de la communauté Hopi qui n’avait pas été consultée. Une première discussion entre quelques-uns de ses représentants et les chercheurs impliqués put toutefois avoir lieu. Je décidais de mon côté d’inclure, en exergue de ma publication, une oeuvre de l’artiste Hopi Victor Masayesva Jr., travaillant avec les matériaux rituels auxquels Warburg s’était intéressé, mais dont l’exposition hors contexte restait problématique. Toute réflexion sur ces objets sensibles sur le plan culturel ne peut effectivement être envisagée qu’en dialogue avec les communautés et en respect de leurs demandes. Dans les années suivantes, la discussion s’est essentiellement poursuivie par le biais des pratiques d’expositions elles-mêmes. Celle intitulée « Ninfas, Serpientes, Constelaciones », organisée en hommage à Warburg au musée Bellas Artes de Buenos Aires en 2019, avait une visée transversale inédite et, juxtaposant oeuvres européennes, autochtones et latino-américaines, proposait un pas important vers une approche croisée systématique. Plus récemment, en 2022, l’exposition « Lightning Symbol and Snake Dance. Aby Warburg and Pueblo-Art » au MARKK Museum de Hambourg procédait de manière plus radicale en travaillant pour la première fois en collaboration avec des représentants Hopi, et ne montrait pastels quels certains des matériaux …

Parties annexes