Résumés
Résumé
On se souvient de la Seconde Guerre mondiale en Martinique et en Guadeloupe comme de l’ère des administrateurs Robert et Sorin, ces militaires français qui suivirent les ordres de Pétain aux Antilles. La période, marquée par la répression et des conditions de vie difficiles dues au blocus américain, a été redécouverte au cours des années 1980 à travers l’histoire méconnue des « Dissidents », ces soldats antillais partis combattre au sein des troupes des FFL du Général de Gaulle. Parmi les écrivains qui ont contribué notablement à raviver la mémoire de cet épisode remarquable de résistance et d’enthousiasme patriotique, Gisèle Pineau occupe une place à part. Au lieu de dépeindre les Dissidents comme de nouveaux « marrons » ou des héros supposément emblématiques de l’identité « créole » antillaise, elle choisit d’écrire sur leur ambivalence vis-à-vis de leur culture, de leur terre natale et de leurs compatriotes antillaises. Cet article analyse comment Gisèle Pineau révèle les désillusions de combattants au lendemain de la victoire, en donnant la parole à des femmes dans la nouvelle « Paroles de terres en larmes » (1987) et dans le roman L’Exil selon Julia (1996). Dans ces deux récits, le recours à des narratrices permet de dévoiler que la guerre repose sur des mensonges (discours patriotiques trompeurs et fausses promesses) et qu’elle est cause d’aliénation (du fait des traumatismes et des exils provoqués). Un tel point de vue et l’insistance sur le désespoir causé à chaque fois par les promesses non tenues nous invitent à nous interroger sur la violence implicite de ces textes, et la place qu’ils peuvent occuper au sein d’un travail pédagogique sur l’histoire. En dépit de leur message pacifiste et antimilitariste, ces récits sont en effet des fictions amères qui opèrent en quelque sorte une rupture avec la France en tournant violemment le dos à l’histoire nationale.
Abstract
The Second World War in Martinique and Guadeloupe has long been remembered as « an tan Robè » (in the time of Robert) or « an tan Sorin » (in the time of Sorin), in reference to the names of the French administrators who were following Pétain’s orders in the Caribbean. This period marked by repression and difficult living conditions due to the American blockade was rediscovered in the 1980s through the unknown story of the « Dissidents », those West-Indian soldiers who left their home to fight in the ranks of General de Gaulle’s FFL. Among the writers who played a major role in rekindling the memory of this remarkable episode of resistance and patriotic enthusiasm, Gisèle Pineau holds a special place. Instead of depicting the Dissidents as new « maroons » or as heroes supposedly emblematic of a West-Indian « creole » identity, she chose to write about their ambivalence towards their culture, their motherland and their fellow countrywomen. This article analyses how Gisèle Pineau reveals the fighters’ disillusions in the aftermath of victory by giving a voice to women in her short story « Paroles de terres en larmes » (1987) and in the novel L’Exil selon Julia (1996). In these two accounts, the use of female narrators allows for the revelation that war is all about lies (false patriotic discourses and false promises) and alienation (because of the traumas and the exiles it entails). Such a point of view and such a focus on the despair caused each time by unfulfilled promises invite us to question the implicit violence of these texts as well as their status in a pedagogical work about history. Despite their pacifist and anti-militarist messages, these narratives are indeed bitter fictions that enact in a certain way the split with France, by violently turning their backs on national history.
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