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La crise sanitaire mondiale que l’on vit depuis 2020 a eu et continue d’avoir des impacts catastrophiques sur la santé des populations, particulièrement celles présentant davantage de vulnérabilités. Les systèmes de santé sont éprouvés ; ils doivent fournir des soins à une clientèle affectée par un virus dont les modes de transmission, les manifestations de la maladie COVID-19, les traitements ainsi que les répercussions étaient, et sont pour certains, encore inconnus. L’ensemble de la population fut ébranlé, mais s’est rapidement mobilisé afin d’y faire face. Les chercheurs se sont penchés sur la compréhension du phénomène et sur la recherche d’interventions et de traitements. Leur but : développer des soins et traitements cliniquement pertinents pour les personnes atteintes et sécuritaires pour tous. Cette crise a aussi fait ressortir le rôle central des infirmières pour que le système de santé puisse malgré tout fonctionner. La compétence des infirmières et leur rôle critique pour soigner les populations ont été mis en exergue durant cette crise. Mais a-t-on assez mentionné que cette compétence du rôle infirmier et sa pertinence ne peuvent exister sans que des connaissances scientifiques soient à la base de la pratique ? Le développement des connaissances doit permettre de répondre rapidement au virus Sars-Cov-2, qui lui n’attend pas pour se propager. Or, nous pouvons constater que la recherche en sciences infirmières a pris les virages nécessaires.

Le présent numéro illustre des travaux de recherche qui ont été enclenchés pour permettre l’avancement des connaissances en lien avec la pandémie de COVID-19. Ces travaux de recherche portent sur les meilleurs soins à fournir, de nouvelles méthodes de recherche ou des méthodes adaptées à un contexte d’urgence sanitaire durant lequel les décisions doivent se prendre rapidement, avec le plus de preuves scientifiques possible.

La collection recherches empiriques présente deux articles dont les résultats peuvent déjà permettre d’améliorer les soins et les services, incluant les impacts de la pandémie sur les professionnels. L’étude de l’équipe de Boucher et al., dont la collecte des données a été réalisée à l’été 2020, rapporte les croyances d’adultes québécois âgés de 70 ans ou plus en lien avec le respect du confinement durant la première vague de COVID-19. Les résultats permettront d’orienter les actions à prioriser pour favoriser le respect du confinement, lorsque nécessaire, et ainsi de réduire les risques de transmission et de contracter la maladie chez une clientèle pouvant en être très affectée. Pour leur part, Gélinas et al. ont concentré leurs travaux sur la traduction et la validation d’un questionnaire mesurant la peur de la COVID-19. Cette validation, contextualisée en langues franco et anglo-canadiennes, a été réalisée auprès d’un large échantillon composé d’infirmières et d’infirmières auxiliaires du Québec. Ce questionnaire pourra être utilisé pour guider les programmes de soutien et de formation développés et offerts aux professionnels de soins en temps de pandémie.

La collection synthèse des connaissances inclut une revue systématique et méta-analyse présentant les effets de la simulation en tant que méthode d’apprentissage pendant la pandémie. Les formations utilisant la simulation ont été développées rapidement pour préparer les professionnels à fournir des soins sécuritaires (pour les patients qui requéraient des soins souvent très spécialisés, pour se protéger eux-mêmes et leurs collègues). Les effets de ces formations utilisant la simulation sont fort encourageants, démontrant des effets positifs sur plusieurs variables d’apprentissage. Ces résultats s’ajoutent à ceux démontrant la valeur maintenant reconnue de la simulation dans différentes situations d’apprentissage.

La collection article de méthodologie accueille un article sur invitation présenté par la chercheuse Gagnon et son équipe. Cet article décrit une approche de synthèse de connaissances par paliers, afin d’informer rapidement les décideurs en regard d’actions à privilégier lorsqu’une pandémie fait en sorte que tout va très vite. Les défis et leçons apprises du projet offrent des pistes de solution pour d’autres questions urgentes à résoudre.

Une section exclusive diffusant des protocoles de recherche a été ouverte dans le présent numéro spécial COVID-19 vu la vitesse à laquelle les recherches étaient requises. Il était en effet difficile de viser à obtenir les résultats finaux d’une étude à l’intérieur d’un si court laps de temps, dans la présente circonstance entre le lancement de la thématique du numéro spécial en septembre 2020 et la production du numéro au printemps 2021. Les articles de protocoles présentés ont été proposés et financés en 2020 dans le cadre d’appels à projets de différents organismes subventionnaires. Les protocoles illustrent la proposition de projets incluant toutes les étapes méthodologiques proposées. Ces quatre projets en cours sont des sources d’inspiration quant aux problématiques et aux méthodologies proposées pour répondre à ces importantes questions de recherche.

Vous y trouverez un protocole proposé par Allard et al. portant sur les soins de fin de vie en soins d’hébergement et soins de longue durée (CHSLD), lesquels ont été fortement affectés en situation de pandémie, pour l’ensemble des personnes impliquées. L’équipe de Vedel et al. propose un protocole pancanadien pour mieux comprendre les besoins en soins et services de personnes atteintes de démence et de proches aidants. La méthodologie mixte permettra de dégager, avec l’ensemble des parties prenantes, les meilleures pratiques pour soutenir le plus efficacement possible ces clientèles encore plus vulnérables durant la pandémie. La professeure Benyamina Douma et son équipe se sont penchées sur la santé psychologique d’infirmières oeuvrant au Québec afin d’identifier les facteurs qui y étaient associés. Les déterminants examinés touchent le déséquilibre entre les efforts requis et les reconnaissances reçues par des travailleurs, dans le cas présent un large échantillon d’infirmières québécoises. Ces résultats permettront de cibler des interventions visant à soutenir les infirmières pour laquelle profession la pandémie peut être particulièrement exigeante. Tchouaket Nguemeleu et son équipe proposent une étude économique visant à évaluer les coûts engendrés par la pandémie sur les soins en CHSLD. Les coûts financiers et aussi humains en termes de pertes de qualité de vie sont estimés. L’outil de mesure des coûts présenté permet au lecteur de connaître exactement les détails de ce qui est estimé dans cette étude, rendant transparent et d’autant plus valide le protocole de cette étude.

Vous pouvez ainsi constater que les chercheurs sont engagés dans la recherche pour répondre à des questions de recherches importantes qui interpellent les citoyens, les patients, les familles et les proches, les professionnels et les décideurs durant la pandémie COVID-19.

Nous tenons à souligner que les gestionnaires du réseau de la santé, les ordres et associations professionnels ont été fortement engagés. Dans le présent numéro, le Professeur Sylvain Brousseau de l’Université du Québec en Outaouais et Président désigné de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC) nous parle de cet engagement. Pr Brousseau fait état des travaux et réalisations de l’AIIC en réponse à la pandémie COVID-19 en lien avec la sécurité des patients et des infirmières ayant été au front de cette crise sanitaire. Il est en effet inconcevable d’assurer des soins sécuritaires si les infirmières ne sont pas en santé et ne peuvent pas fournir des soins de façon sécuritaire.

Nous remercions les pairs évaluateurs qui ont révisé les articles présentés dans ce numéro spécial. L’apport de ces évaluateurs qui réalisent les évaluations à l’insu est crucial et rejoint les plus hauts standards de qualité des revues scientifiques. Nous avons accueilli des membres de la relève en nous assurant que les articles pouvaient bénéficier d’une mixité d’évaluateurs alliant chercheurs seniors, juniors, cliniciens experts et candidats au doctorat. Nous sommes fiers d’impliquer la relève dans les processus de diffusion des savoirs dans les pratiques en santé. Nous les remercions et invitons les chercheurs et personnes intéressées à agir comme évaluateur à communiquer avec nous.

Dans cette ligne de pensée, la qualité exceptionnelle d’une revue scientifique est un requis pour en assurer son utilité et sa pérennité. Dans cette optique, la Revue SNAHP-SIPS a réalisé plusieurs développements durant la dernière année. La revue a maintenant une reconnaissance du Directory of Open Access Journals la positionnant dans le cercle élite des revues respectant les plus hauts standards de publication. Nous avons aussi réalisé une transition majeure en déménageant l’hébergement de la revue sur une plateforme canadienne, Érudit, ce qui permet ainsi de renforcer les capacités locales. Cette plateforme rejoint les plus hauts standards en matière d’édition numérique et dessert plus d’une centaine de revues savantes. Cette transition s’arrime avec notre volonté ferme de contribuer au mouvement du libre accès et de la science ouverte. Nous sommes à cet effet des chefs de file dans le monde de l’édition numérique dans le domaine des sciences infirmières et pratiques en santé dans la francophonie et à l’international avec une publication bilingue.

Nous espérons que ce numéro spécial COVID-19 sera unique, c’est-à-dire qu’aucune autre crise de la sorte ne surviendra dans l’avenir. Il serait par ailleurs très sage et pertinent que l’ensemble de la communauté scientifique et citoyenne puisse bénéficier des leçons apprises de cette crise pour le développement de la recherche. Des innovations en recherche ont été réalisées, misons sur les forces issues de ces travaux pour orienter le futur de la recherche et de la qualité des soins.

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Sylvie Cossette, inf., Ph. D.


Since 2020, the global pandemic has continued to have catastrophic health impacts, particularly on higher-risk populations. Health care systems have been under enormous stress in the face of a virus whose modes of transmission, disease manifestations, treatments and repercussions were, and in some cases still are, unknown. After an initial shock period, the world quickly mobilized in an effort to find solutions. Researchers focused on deciphering COVID19 to formulate safe and clinically relevant treatments and care for those infected by this new virus. The pandemic has also underscored the importance of nurses in maintaining our strained health care systems. Their expertise has been essential to delivering care during this crisis. The practice of nursing hinges on advances in scientific knowledge, a fact that is sometimes easy to take for granted. As the pace of knowledge development tries to keep up with the rapidly spreading Sars-Cov-2 virus, nursing research has responded quickly and effectively.

This issue focuses on studies that aim to advance our knowledge surrounding COVID-19, including effective treatments, new research methods and innovative practices adapted to critical health situations, where decisions must be made quickly based on the strongest available scientific evidence.

The empirical research collection presents two studies whose results are opening the door to improved care and services while mitigating the pandemic’s impact on health care professionals. The study by Boucher et al., whose data collection was conducted in the summer of 2020, examines the beliefs of Quebec adults aged 70 and older toward lockdown measures during the first wave of COVID-19. The results will help identify the kind of interventions that are most likely to promote adherence to necessary health restrictions, to reduce the risk of viral transmission and infection among this population at higher risk. Gélinas et al.’s research focuses on the translation and validation of a questionnaire aimed at assessing fear levels surrounding COVID-19. This validation process was conducted on both French Canadian and English Canadian versions of the questionnaire, using a large sample of nurses and licensed practical nurses in the province of Quebec. The results of this survey could help guide the development of pandemic-related support and training programs for health care professionals.

The knowledge synthesis collection features a systematic review and meta-analysis examining the effectiveness of simulations as an educational method in the context of COVID-19. Rapid progress has been made when it comes to simulation-based training. This approach helps professionals to provide care more safely, allowing health care workers to protect themselves, their patients, and their colleagues while treating cases that often require specialized interventions. The effects of this training are very encouraging, with positive impacts on several learning outcomes. These results add to previous findings demonstrating the now-recognized value of simulations in various contexts.

The methodology section features a guest article by Gagnon and her research team, who present a stepped approach to knowledge synthesis aimed at providing decision-makers with information more quickly. This would allow authorities to deploy decisions regarding care more effectively in the fast paced pandemic environment. The challenges described and lessons learned from the project offer potential solutions for other pressing issues.

Given the urgent need to accelerate COVID-19 studies, a section dedicated to research protocols has been added to this special pandemic issue; as it was challenging to obtain final research results so quickly, between the announcement of this special issue in September 2020 and its publication in spring 2021. The protocol articles were proposed and funded through calls for projects from various funding agencies in 2020. The protocols outline the project proposals, including the planned methodological steps. The four ongoing projects described serve as sources of inspiration concerning the problems they address and the methodologies they propose in tackling important research questions.

Readers will learn of a protocol designed by Allard et al. which the study aim at better understanding the effects of COVID-19 on end-of-life care in long-term care centres (CHSLDs). Vedel et al. outline a pan-Canadian protocol that seeks to improve our understanding of the care and service needs of persons with dementia and care partners. Their mixed methodology brings stakeholders on board to help identify best practices and optimize support for these populations, whose vulnerability has increased considerably during the pandemic. Professor Benyamina Douma and her team have examined the mental health of nurses in Quebec to pinpoint defining characteristics. The studied determinants concern the imbalance between the demands placed on workers and the recognition they receive, using a large sample of nurses in the province. These results could help identify effective support interventions during this particularly stressful period for the nursing profession. Finally, Tchouaket Nguemeleu and his team present an economic study evaluating the financial and human costs incurred by residential and CHSLDs in responding to the pandemic. Their cost measurement tool provides details on each element examined, boosting the transparency and validity of the study’s protocol.

It’s clear that researchers are tackling important issues that directly affect citizens, patients, families and caregivers, health care professionals and policymakers during the COVID-19 pandemic.

However, it’s also worth noting the important contribution of health system managers and those working in professional orders and associations. This issue includes an invited editorial by Professor Sylvain Brousseau from the Université du Québec en Outaouais and President-Elect of the Canadian Nurses Association (CNA), who speaks of this commitment. Dr. Brousseau reports on CNA’s work and accomplishments in response to the pandemic, particularly when it comes to ensuring the safety of patients and nurses on the front lines of this health crisis. Effective care is simply not possible unless nurses can stay healthy and provide treatment in a safe environment.

I would like to thank the peer reviewers who contributed their efforts to this special issue. We strive to maintain the highest standard for scientific publications, and blind review is an essential process. We solicited a mix of reviewers including senior and junior researchers, expert clinicians, and PhD candidates; thus, encouraging emerging researchers. We are proud to involve the next generation in sharing knowledge related to health care practices. We warmly thank the reviewers and invite researchers or other individuals interested in serving as a reviewer to contact us.

A scientific publication must be of exceptional quality to ensure its usefulness and long-term viability. With this in mind, SNAHP-SIPS has made several changes over the past year. The journal is now indexed in the Directory of Open Access Journals, placing it in an elite circle of journals that meet the highest of publication standards. We also undertook a major transition by moving to a Canadian platform, Érudit , to strengthen local capacity. This platform adheres to the highest standards in digital publishing, serving more than 100 scholarly journals. This shift is in line with our firm commitment to the open science movement. We are a digital publishing leader in the field of nursing and health practices, both in the French-speaking world and in bilingual publishing internationally.

It is our hope that this special COVID-19 issue is indeed unique, in that no similar crisis occurs again anytime soon. It would behove the scientific community, as well as the public, to apply the lessons learned from the pandemic as we move forward with research development. We have made great strides in research innovation. Let us now build on these strengths to guide the future of research and help improve quality of care for all.

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Sylvie Cossette, R.N., Ph.D.